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10. L’organisation du travail

C’est l’actualité qui rythme le journalisme. L’actualité est non-stop. Le journalisme ne connaît aucun répit. Pour exercer ce métier, il faut jouir d’une bonne santé, avoir une hygiène de vie équilibrée, apprendre à travailler vite, sans perdre son calme. Qu’il soit seul en poste ou membre d’une rédaction nombreuse, le journaliste organise son travail d’une façon compatible avec les contraintes de la pendule.

AVOIR UNE DISCIPLINE PERSONNELLE, C’EST RESPECTER LE TRAVAIL DES AUTRES.

  1. Respect des longueurs.Un article plus long que prévu, c’est du temps perdu en cascade : pour celui ou celle qui doit le raccourcir ; pour celui ou celle qui doit le mettre en page; pour celui ou celle qui doit l’imprimer ; pour celui ou celle qui doit le diffuser.
  • Considérer son premier jet comme son brouillon, puis se relire en s’imposant de supprimer le superflu pour respecter le calibrage demandé, à la ligne et au mot près.
  • Supprimer le superflu c’est, dans un texte, effacer tout ce qui n’est pas nécessaire à sa compréhension : adjectifs, adverbes, articles définis et indéfinis trop répétés, conjonctions de coordination, etc.
  • Pour économiser 15 mots et une centaine de caractères on n’écrira pas: « Deux malfrats aux visages déformés et rendus méconnaissables par de vieux collants qu’ils avaient pris la précaution d’enfiler sur leurs têtes ont enlevé Mark Pesos » On écrira : « Mark Pesos a été pris en otage par deux individus cagoulés. » Le respect des contraintes améliore toujours la qualité du travail fourni.
  1. Respect des horaires.Un article remis en retard, c’est de la tension en chaîne : relecture bâclée, correction précipitée, risque d’erreur dans le contenu, fabrication compliquée, diffusion pénalisée.
  • Se dire que le respect de l’horaire imposé pour la remise de son texte et plus important encore que le contenu du texte. Je suis pressé par la pendule, je m’en tiens donc à l’essentiel dans la rédaction de mon texte, au besoin je le compléterai plus tard, dans un autre numéro. Une version courte et incomplète remise à l’heure vaut mieux qu’une version longue et complète remise trop tard…
  1. Respect des coéquipiers. Travailler en équipe n’est pas facile quand l’équipe est composée de personnalités portées à l’individualisme par la pratique de l’écriture en solo. Cela réclame des qualités particulières : savoir écouter ses coéquipiers, savoir partager des informations, savoir comprendre les réflexions des autres, savoir accepter les arbitrages. La production quotidienne de nouvelles est incompatible avec les états d’âme. Elle exige une répartition ordonnée des tâches quotidiennes.
  • Garder à l’esprit que les meilleurs solistes ne font pas naturellement les meilleurs chefs d’orchestre. Qu’il soit directeur, rédacteur en chef, chef ou sous-chef de service, le journaliste en poste hiérarchique doit savoir diriger une équipe, la motiver, l’animer, déléguer parfois une part de ses responsabilités. Cela s’apprend aussi.

Recette éprouvée: poser en principe que, dans une équipe de journaliste, nul n’est propriétaire de sa fonction hiérarchique.

AVOIR UNE DISCIPLINE COLLECTIVE, C’EST OFFRIR UN JOURNAL MEILLEUR.

L’autodiscipline est la condition sine qua non d’une production collective de bonne qualité. Mais toutes les formes d’organisation du travail journalistique ne donnent pas les mêmes résultats. Les meilleures sont celles qui donnent au journaliste la possibilité de maîtriser complètement la qualité de sa production quotidienne.

  • Organisation artisanale

Deux étages : un étage de commandement, un étage d’exécution. Tous les pouvoirs sont détenus par un seul journaliste, en général propriétaire du titre. Il cumule les fonctions de directeur et rédacteur en chef, embauche quelques journalistes polyvalents, distribue le travail à sa guise.

Avantages : équipe homogène, soudée, solidaire, conviviale.
Inconvénients : exercice paternaliste de l’autorité, risque de pratiques routinières, évolutions internes improbables, absence de pluralisme dans le contenu.

  • Organisation pyramidale

Quatre étages : un étage de chef d’entreprise, un étage de commandement délégué, un étage d’exécution supérieur, un étage d’exécution inférieur. Les responsabilités sont centralisées au sommet. Un patron journaliste nomme un directeur de la rédaction qui choisit plusieurs adjoints auxquels il confie le soin d’animer des services, ou rubriques, composés de journalistes polyvalents.

Avantages : équipe ordonnée, cohérente, disciplinée, efficace.
Inconvénients : risque de caporalisme, pensée unique, contenu uniforme, absence de débats contradictoires, expression éditoriale univoque.

  • Organisation en losange

Trois étages : un étage de contrôle, un étage de commandement, un étage d’exécution. Les responsabilités sont décentralisées. Le chef de l’entreprise et le directeur de la rédaction les délèguent aux chefs de services qui sont seuls maîtres du choix de leurs collaborateurs et du contenu de leurs pages. Chaque équipe rédactionnelle, composée de polyvalents ou de spécialistes, travaille en autonomie.

Avantages : contenus diversifiés, émulation interne, hautes performances, haut degré d’expertise.
Inconvénients : fonctionnement à huis clos, excès de spécialisation, absence de réflexions transversales, élitisme.

Rappel utile : les système ne valent que ce que valent celles et ceux qui les font fonctionner.