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18. La plus-value rédactionnelle

Un contenu rédactionnel est toujours perfectible. Il y a toujours quelque chose à faire pour rendre un texte plus clair, plus précis, plus complet, plus intéressant. La préoccupation de la valeur à ajouter à sa propre production habite le journaliste qui ne se contente pas de peu. L’enrichissement d’un contenu est même possible jusqu’au dernier moment malgré la pression de la pendule.

LES RETOUCHES DE DERNIÈRE MINUTE.

* Quand on cite le nom de quelqu’un on précise aussi son prénom pour éviter toute confusion avec un éventuel homonyme : « Mark Pesos… ».

* Quand on cite le nom d’un(e) élu(e) on précise aussi son mandat et sa sensibilité politique parce qu’il s’agit d’une personnalité publique : « Paul Arbero, sénateur socialiste du Nord… ».

* Quand on parle d’un(e) inconnu(e) pour la première fois on indique, au moins, son âge et son métier : « Marcus Vitruve, 40 ans, ingénieur militaire… ».

* Quand on emploie un sigle pour la première fois on développe sa signification par égard pour les lecteurs non avertis. « L’Organisation des Nations Unies (ONU) »

* Quand le traitement d’un sujet d’actualité renvoie à des faits antérieurs ou des événements passés, on recourt à l’appel de note pour rafraîchir la mémoire des vieux lecteurs et éclairer la lanterne des plus jeunes : (1) « Mark Pesos, homme d’affaires français et banquier, fondateur de la banque Pèze, né à Lille en 1947. »

LA RECETTE DES 4 « C ».

 « Que puis-je faire de plus ou de mieux? ». « Que pouvons-nous faire de plus et de mieux? ». « Que pouvez-vous faire de plus ou de mieux? ». Qu’on se la pose soi-même au vu de son agenda personnel, qu’on se la pose entre soi, au cours d’une réunion de service, ou qu’elle soit soulevée au cours d’une conférence de rédaction, la question de savoir comment enrichir ou approfondir le traitement prévu d’un sujet d’actualité débouche sur quatre possibilités : le traitement en contrechamp, le traitement en contrepoint, le traitement en contre-pied, le traitement en contre-écrou.

Contrechamp. La valeur ajoutée en contrechamp consiste à produire un effet de miroir inversé : on complète le traitement du sujet principal par le traitement du même sujet abordé sous un angle diamétralement opposé. J’ai décidé de consacrer mon sujet principal à l’ascension fulgurante de Mark Pesos dans le secteur bancaire. En contrechamp, je traiterai aussi des répercussions de sa gouvernance à la tête du groupe Pèze, jugées néfastes par les salariés…

Contrepoint. La valeur ajoutée en contrepoint consiste à produire un effet de second plan: on juxtapose le traitement d’un sujet annexe, voire décalé, sur le traitement du sujet principal. J’ai décidé de consacrer mon sujet principal aux obstacles que rencontre la banque Pèze dans ses tentatives de s’installer à l’étranger. En contrepoint, je ferai un portrait et une interview de l’un des prospecteurs du groupe, inconnu du grand public, chargé de faire des repérages et de régler tous les problèmes d’intendance rencontrés au fur et à mesure…

Contre-pied. La valeur ajoutée en contre-pied consiste à produire un effet de contraste : à une enquête on oppose une contre-enquête, à un témoignage on oppose un contre-témoignage, à une expertise on oppose une contre-expertise, à un exemple on oppose un contre-exemple, etc. Ma rédaction en chef a décidé d’opposer à mon enquête sévère sur la construction de la nouvelle résidence ultrasécurisée de Mark Pesos dans une zone naturelle protégée une contre-enquête de notre correspondant permanent dans le Sud sur les investissements réalisés par le banquier en faveur de l’écologie… Je n’y vois aucune objection. Le lecteur sera confronté à deux regards contradictoires sur les pratiques du Mark Pesos – d’un côté sa part d’ombre, de l’autre sa part de lumière-, le public sera juge…

Contre-écrouLa valeur ajoutée en contre-écrou consiste à produire un effet de solidité : on renforce le traitement du sujet principal avec plusieurs apports complémentaires. Je vais consolider mon enquête sur la construction de la nouvelle résidence ultrasécurisée de Mark Pesos dans une zone naturelle protégée en ajoutant trois éléments informatifs à mon texte principal : une petite interview (3 questions-réponses) de l’ancien maire de Lobdonnoc qui n’est plus avare de confidences depuis qu’il n’a pas été réélu aux dernières élections; un encadré pour rappeler les lois particulières qui s’appliquent dans les zones naturelles protégées; un graphique sur l’évolution des richesses naturelles de l’île menacées par l’énorme chantier du banquier,…

UN ANTIDOTE CONTRE LA GRISAILLE DE L’ACTUALITÉ.

L’actualité est si souvent déprimante que le journaliste prévoyant tient toujours prêt un « antidote » contre la morosité. Le plus efficace des « antidotes » éprouvés consiste à introduire des « sourires » dans les pages trop tristes. Le « sourire » est un genre journalistique dont la forme est variable mais dont le fond est toujours décalé – délibérément décalé- par rapport au thème dominant. Cela peut être un dessin, un billet, un portrait, une petite interview, un témoignage… L’essentiel est que sa charge de bonne humeur soit de nature à détendre, amuser, faire sourire le lecteur. Ce sera le portrait d’un petit épicier heureux de vivre au milieu d’une enquête sur la crise. Ce sera l’interview d’un éternel optimiste au-dessous d’une analyse catastrophiste. Ou encore un dessin moqueur, etc.

AVOIR L’AUDACE DE BOUSCULER LES NORMES.

Il y a toujours de nouveaux lecteurs à conquérir. Un journal qui connaît bien son lectorat est capable d’identifier ses points faibles. Quand ceux-ci sont identifiés il suffit parfois de créer de nouveaux espaces de lecture pour gagner des lecteurs. J’ai augmenté du jour au lendemain les ventes de ma « Gazette de Lille » en publiant chaque semaine, au milieu des pages de politique intérieure, une rubrique poétique signée d’un écrivain célèbre de la région, et mon journal a même trouvé de nouveaux acheteurs depuis que j’y publie les lettres de lecteurs rédigées en patois local.