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22. L’illustration et l’iconographie

Informer, c’est aussi montrer. L’image ne remplace pas toujours l’écriture mais peut la rendre plus expressive. Elle rend même, parfois, l’écrit inutile. Une photo peut avoir plus de force qu’un récit, un dessin plus d’impact qu’un éditorial, un graphique plus de précision qu’une analyse, un schéma plus de clarté qu’une enquête, une carte plus de netteté qu’un témoignage. Le journalisme est devenu un artisanat global.

TOUTES LES PHOTOS N’INFORMENT PAS DE LA MÊME FAÇON.

Il y a des photos qui décrivent. Ce sont les plans généraux ou les plans d’ensemble, par exemple les photos de paysage ou les scènes d’activités humaines vues de loin. Leur valeur purement descriptive en fait des photos à faible valeur ajoutée. Leur intérêt informatif est généralement médiocre. Sauf lorsque les circonstances dans lesquelles elles sont prises – et l’angle choisi pour la prise – leur donnent une valeur de document.

Il y a des photos qui racontent. Ce sont les plans moyens, les plans américains, les plans rapprochés, par exemple les scènes d’activités humaines vues de près, les personnages cadrés en pied, cadrés au-dessus du genou et jusqu’à la taille ou cadrés de la taille à la poitrine. Leur valeur narrative en fait des photos à forte valeur ajoutée.

Il y a des photos qui provoquent des chocs. Ce sont les gros plans et les très gros plans, par exemple les visages observés de très près ou les détails de scènes cadrées de très près. Leur impact émotionnel en fait des photos à très forte valeur ajoutée.

La photo, c’est une tranche de vie instantanée, et l’essentiel, dans une photo, c’est son cadrage. Les « natures mortes » n’ont pas leur place dans un quotidien d’information. Toutes les photos doivent montrer de la vie. S’il n’est pas lui-même photo-reporteur, le journaliste veille à ce que les photos destinées à illustrer ses textes montrent des scènes de vie et soient cadrées de telle sorte, quelque soit le sujet principal à illustrer, que la vie y soit toujours présente, au premier ou au second plan.

J’ajouterai une photo panoramique à mon récit de l’arrivée de Mark Pesos sur le port de l’île de Lobdonnoc avec tout son service de sécurité. Mes lecteurs visualiseront ainsi l’importance du projet pour le puissant groupe Pèze.

Mon reportage chez les îliens mécontents sera illustré par plusieurs scènes de la vie quotidienne qui montreront, en plans moyens, des hommes, des femmes et des enfants dans leurs préparatifs de la manifestation contre la construction de la résidence ultrasécurisée de Mark Pesos.

Mon portrait de Marine Dubleu paraîtra avec une photo, en plan rapproché ou gros plan, de la présidente de l’association des îliens mécontents souriante au milieu des pancartes et banderoles qu’elle prépare pour la manifestation.

Mon entretien avec Mark Pesos sera illustré par un très gros plan du visage déterminé du célèbre banquier.

Je rédigerai ensuite les légendes des photos que mon photographe et moi sélectionnerons pour consacrer aux derniers évènements sur l’île une double page illustrée prévue dans l’édition du week-end. Elle sera composée d’un assemblage de plans rapprochés et intitulée : « Mark Pesos, le débarquement. » Mon apport de rédacteur se limitera aux légendes et à un chapô d’ensemble…

Si je dispose d’un document, ou d’une photo à très forte charge symbolique, je demanderai sa publication en pleine page, sur une page entière.

LE DESSIN DE PRESSE EST UN ESPACE DE LIBERTÉ ABSOLUE.

Le dessin, la caricature de presse, c’est un espace sanctuarisé ! Personne n’y touche ! Quand on a dans son équipe rédactionnelle un dessinateur ou un caricaturiste capable de résumer l’actualité en quelques traits, et d’en traiter avec un regard détaché, tantôt souriant tantôt féroce, on fait confiance à son inspiration. Quitte à discuter de ses esquisses. Le bon modus vivendi consiste à lui demander de soumettre chaque jour à la rédaction en chef trois projets liés à l’actualité, au minimum deux. Le choix est concerté mais le dernier mot appartient à la rédaction en chef.

L’INFOGRAPHIE NE SUPPORTE PAS LA MÉDIOCRITÉ.

Les ressources de l’infographie donnent aux contenus rédactionnels une valeur de référence à condition que leur propre contenu soit parfait. Le journaliste n’a pas droit à l’erreur quand il publie un graphique, un schéma, une courbe ou une carte à côté de son article. La moindre erreur de détail jette un doute sur l’ensemble de son travail. Informer par l’infographie, c’est imposer la rigueur scientifique dans le traitement de l’information. Cela demande réflexion, application et coordination au cours des conférences de rédaction.

La carte transporte. J’ai besoin du renfort d’un petit planisphère pour faire voir d’un coup d’œil à mes lecteurs l’implantation du groupe Pèze dans le monde, sur lequel je préciserai par des flèches les investissements et les retraits récemment réalisés.

Le graphique explicite. Je dispose de données exactes sur l’évolution des cours à la Bourse depuis le transfert du siège du groupe Pèze sur l’île de Lobdonnoc ; une courbe graphique sera plus explicite qu’une analyse…

Le schéma éclaire. Le financement du nouveau siège du groupe Pèze à Lobdonnoc passe par beaucoup de sociétés-écrans, un schéma sur ce mécanisme sera plus clair que des explications compliquées.

MIEUX VAUT UN DESSIN, UNE CARTE, UN GRAPHIQUE OU UN SCHÉMA QU’UNE MAUVAISE PHOTO.