LA QUESTION PRÉALABLE : QU’EST-CE QUE JE VEUX DIRE?
On n’écrit bien que si l’on conçoit clairement ce qu’on veut écrire. Quel que soit le genre retenu pour exprimer ce qu’il veut écrire, le journaliste ramène son propos à l’essentiel sous la forme d’un message concentré qu’il met en évidence, par souci d’efficacité, dès les premières lignes de son texte.
Exemple, en cas de reportage : « La vie dans notre petit coin de paradis est devenue un enfer », grince Marine Dubleu, la présidente de l’association des îliens mécontents, le regard tourné vers le port de Lobdonnoc. C’est ici même que s’est présenté Mark Pesos pour la première fois il y a trois mois. Traumatisé par la prise d’otage qu’il a subie rue de la Monnaie, celui-ci a décidé de ne plus laisser sa sécurité au hasard : les travaux du nouveau siège de la banque, qui sera transféré à Lobdonnoc dès que possible, ont commencé. Le célèbre banquier ne le sait pas encore, mais les habitants de l’île entendent déposer un recours contre son projet,…
Expliquer ensuite, au fil du récit, quelles seront les suites possibles de cet affrontement.
DEUX QUESTIONS ESSENTIELLES :
A QUI DOIS-JE LE DIRE, COMMENT LE DIRE?
Le journaliste s’adresse à un public qui lui est familier. Son écritureest au service de ses lecteurs. Mais tous les journaux n’ont pas les mêmes lecteurs. Le journaliste professionnel adapte son écriture aux besoins de son lectorat. S’il s’adresse à de jeunes lecteurs, par exemple, il se fait pédagogue. S’il s’adresse à des lecteurs avertis, il se fait expertLe journaliste n’écrit pas pour soi ; il écrit pour les autres. S’il adapte son écriture aux besoins de ses lecteurs en général, il garde à l’esprit qu’il écrit pour chacun d’eux en particulier. Son écriture est simple, accessible à tout le monde, faite de phrases courtes, elle utilise les mots justes, proscrit les fioritures. Elle court vite. Son tempo est le présent de l’actualité. Sa sobriété fait sa force. Elle donne beaucoup d’informations en peu de mots: « Son costume est déchiré. De ses chaussures de cuir se dégage de la fumée. Il fait quelques pas, les genoux tremblants, et quitte le bâtiment sans plus se retourner. Mark Pesos, secoué par l’explosion de sa nouvelle résidence ultrasécurisée, quitte l’île de Lobdonnoc à jamais… ».
LA CLÉ : ÉCRIVEZ EN JOUANT.
L’écriture journalistique possède ses codes mais elle est le contraire d’une écriture stéréotypée. Elle reflète la vie dans toutes ses nuances. Les apprentis qui croient nécessaire d’imiter l’écriture des « vétérans » commettent une erreur. L’écriture journalistique, heureusement, n’est pas formatée. Heureusement pour les lecteurs! Sinon, les contenus rédactionnels se ressembleraient tellement que la lecture des journaux ennuierait les lecteurs. Chaque journaliste doit trouver son style, l’affirmer, singulariser sa production. On y parvient en prenant du plaisir à écrire chaque jour. Il s’agit pour chacun de travailler à rendre unique sa façon de rapporter les images, les sons, les parfums. Le journaliste apprend à écrire comme il respire en jouant avec les figures de style qui donnent rythme et souffle à l’agencement des idées, des mots et des images.
JOUEZ AVEC LA SIGNIFICATION DES MOTS.
- Trouvez des analogies appropriées !Laissez votre imagination dénicher les bonnes ressemblances ! Rien ne vaut une image pour orner un texte. A Lobdonnoc, la résidence ultrasécurisée de Mark Pesos a explosé? A quoi ressemble-elle, avec ses pierres étalées au sol? L’image est immédiate : « Au milieu des champs fleuris, l’œuvre de Mark Pesos n’est plus qu’un champ de ruines… ».
- Personnifiez les idées abstraites !Sachez parfois voir « la Justice poursuivant le Crime » sous le regard réprobateur de « la République en colère »… » ! Mais attention : si le recours à l’allégorie est répandu dans le genre éditorial il est préférable de ne pas en abuser car il va à l’inverse de la sobriété.
- Créez de nouveaux types d’individus !Transformez les noms propres en noms communs: « Désormais, pour qualifier un banquier acculé, on dira: ‘un Pesos’… »
- Exprimez-vous par euphémisme !Suggérez le plus en disant le moins: « Mark Pesos ne donne plus le change… ».
- Maniez l’ironie ! En exprimant une idée par son contraire, par exemple.
JOUEZ AVEC LA POSITION DES MOTS.
- Accumulez les mots !Provoquez des gradations : « Adieu billets, lingots, trésors, merveilles !… ». Ce procédé donne de la nervosité à l’écriture.
- Produisez des effets d’insistance !Rythmez votre texte en répétant le dernier mot d’une phrase au début de la phrase qui suit : « Mark Pesos était dans l’escalier. L’escalier était raide… ». Ou rythmez votre texte en répétant le même mot au début et au milieu de la même phrase : « Mark Pesos était dans l’escalier, Mark Pesos était pressé… ». Ce procédé permet aussi des progressions éditoriales : « Puisque Mark Pesos était pressé, puisque l’escalier était raide, puisqu’il a trébuché… », etc.
- Ornez votre texte d’un « effet miroir »!Faites en sorte, par exemple, que votre chute soit parallèle à votre accroche : « Son costume est déchiré… Son costume est jeté… ». Ou réservez ce parallélisme à la mise en valeur de votre chute: « Hier, son costume immaculé symbolisait sa réussite. Déchiré, fumant, couvert de boue, son costume dégradé symbolise, aujourd’hui, sa déchéance… ».
- Surprenez le lecteur en bousculant les normes ! Optez pour la rupture dans la construction de vos phrases: « Le bâtiment de Mark Pesos, s’il eût été plus solide encore, n’aurait quand même pas résisté... ».
JOUEZ AVEC LA MUSIQUE DES MOTS.
- Bâtissez des harmonies sonores !Faites rimez vos phrases quand le contexte autorise un brin d’éloquence : « L’île de beauté triomphe de la vanité… »
- Glissez un brin de poésie dans votre prose !Essayez l’allitération, qui consiste à répéter le même son, l’assonance, qui consiste à répéter la même voyelle.
- N’hésitez pas à utiliser quelques familiarités !Injectez-les dans vos récits sur la vie quotidienne: « B’jour! », « B’soir! »…